jeudi 5 avril 2012

Coup de Foudre au Loir dans La Théière - 1ère partie

C’est une histoire que beaucoup de mes amis (enfin surtout les filles) aiment. Ca fait quasiment trois ans qu’elle a eu lieu et depuis on me demande souvent de la raconter, mais c’est très dur. Quel point de vue adopter ? Le mien, celui du spectateur, celui de mon interlocuteur ? Ou plusieurs à la fois ? Comment la raconter ? Recréer la réalité est très tentant, il s’agit d’éviter de romancer le moins possible puisque de la romance, il y en a déjà beaucoup.

Pourquoi ?
C’est une scène qui est peut-être banale dans les romans ou films à l’eau de rose, mais dans la vraie vie, je ne crois pas.

J’ai souvent eu l’occasion de lire (ou de voir au cinéma) une scène similaire et le personnage disait : « Mais c’est fou, ça n’arrive que dans les livres (ou les films) » et là je me disais « En même temps, tu es un personnage de livre (ou de film) »

Et pourtant, ça m’est arrivé.

Je rembobine (non pas la cassette mais) ma mémoire au lundi 14 septembre 2009.

Je viens de rentrer de vacances. C’était des vacances pas du tout prévues, après presque trois mois de stage, j’avais pété un câble au beau milieu d’une nuit, avais pris un billet et étais partie deux semaines en Israël. Ces vacances, je les avais adorées. Et j’étais rentrée à Paris à reculons pour la prérentrée scolaire (jour complètement inutile à mes yeux mais essentiel selon mes parents).

La prérentrée étant le lendemain matin, je profite de cette journée pour voir mes amis que je n’ai pas vus de l’été. Rendez-vous au Loir dans la Théière, salon de thé de la rue des rosiers très agréable, réconfortant avec ses grandes tables, canapés et fauteuils bien moelleux. Nous nous installons dans le fond du salon, un peu en hauteur par rapport aux tables qui se trouvent à l’entrée donc nous pouvons voir tout ce qu’il s’y passe. Nous traînons, papotons, nous racontons les anecdotes des vacances. Certains amis arrivent, d’autres partent, nous sommes dans notre coin, tout va bien.

Quand Soudain. Soudain, je remarque que le café s’est vidé. Nous ne sommes plus que quatre. L., R. et moi.

Et lui.

Il est assis, seul à une petite table. Il écrit. Et à cet instant, je ne suis plus dans le continuum espace-temps. Je n’arrive pas à décrocher mon regard. Lui aussi me regarde. Des tremblements m’envahissent, ryhtmés par les battements de mon cœur qui s’accélèrent. J’ai chaud. Mes joues deviennent rouges. Je n’arrive pas à savoir si je me sens bien ou mal. Il faut que j’aille le voir, lui parler. Ces désirs sont plus forts que moi. Pourquoi lui ? Pourquoi pas un autre ?

Je révèle à mes amis le fond de ma pensée de manière prosaïque, peu poétique et tellement éloignée de ce que je ressens réellement. Je suis amoureuse. Je ne sais pas ce qui m’arrive mais c’est tout ce qui sort de ma bouche. Je commence à m’agiter sur ma chaise. Je me lève, je me rassieds. Pourquoi faire ? Je l’ignore aussi. Je tourne la cuillère dans ma tasse de café presque vide et je bois la lie sucrée et froide. Je consulte mon téléphone portable. Je me gratte les jambes. Je crois que j’essaye juste de me défouler avec ce que j’ai sous la main, extérioriser cette tension intérieure, et éviter de faire la bêtise d'aller vers lui. D’un côté j’ai envie, de l’autre je n’ose pas.

Je vous imagine étonnés en train de lire l’article. Clara qui n’ose pas parler à un mec dans un café ? Il doit y avoir une erreur ?
Bon, déjà c’était il y a trois ans, et même si c’était dans un café, c’était en plein aprem, pas de musique pour m’ambiancer et, pour une fois, de vrais sentiments vrais au fond de moi. Oui, pour un inconnu.  Je n’avais pas envie de me rater sur ce coup là. Je ne pouvais pas agir n’importe comment inventant n’importe quel prétexte pour l’aborder comme je pourrais le faire aujourd’hui.

Mais il y a trois ans, j’avais déjà le goût du challenge. Il me fallait juste un coup de pouce, je crois. D’un côté j’avais envie de préparer mon attaque, de l’autre je ne tenais plus en place, et le temps pressait. Ou ce qui restait comme notion du temps pour moi.

Fort heureusement, mon ami R détecte ce qui se passe en moi. Je pense bien que c’est grâce à mes sous-entendus du style mais si je lui parle, je lui dis quoi ?, signifiant en fait : putain mais lancez moi le défi d’aller le voir, sinon je ne le ferai jamais !, et signifiant aussi Je le ferai parce que vous m’avez dit de, et signifiant que je me déculpe de toute responsabilité découlant de l’acte qui s'apprête à être commis. 

Donc mon ami R, me lance, sachant que mon expérience en matière d’abordage est riche en matière grasse et superflue, Mais Clara, t’es-t-il déjà arrivé d’aborder un mec dans un café, en plein aprem ?!. Je suis rouge pivoine. Donc très rouge. Enfin je ne me vois pas, mais je sens le sang me monter au visage. Je regarde mon ami d’un air défiant. Mes deux mains sont posées bien à plat sur la table pour soutenir tout le poids de mon corps lorsque je vais me lever, comme pour dire : Tu m’as eu, je vais y aller, à la guerre comme à la guerre. Ca y est, je suis debout. A partir de maintenant, il s’agit de marcher, mais je n’ai pas intérêt à m’arrêter en chemin, et faire demi tour, ce serait pire que tout. Pire qu’une défaite.

Je ne sais toujours pas ce que je vais lui dire pour l’aborder, et dans ma tête tout se mélange. Plein de phrases un peu cliché, pertubatrices ou d’accroche, comme on pourrait les appeler en cours de français de 6e. Et ca y est je marche, je ne m’en suis même pas rendue compte. Avec mes grosses bottes noires en cuir, mon short noir en jean, et la chemise à carreaux Paul Smith piquée à mon frère (oui, après trois ans je me souviens de ma tenue, et ça, c’est plus que pathétique), je parviens jusqu’à sa table en quelques enjambées. Et tandis que je marche, je vois toute ma vie défiler devant moi, et surtout tout ce que je n’ai pas envie de lui dire.

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